11/07/2025
une femme se tient le visage dans les mains, avec des icones de temps et santé mentale

RPS et santé mentale

Selon une étude de l’ANACT, l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (Source), 44 % des salariés déclarent ressentir une surcharge de travail, ce qui impacte directement leur santé mentale et leur productivité. De plus, une étude menée par l’INRS, Institut National de Recherche et de Sécurité montre que 60 % des arrêts maladie longue durée sont liés à des risques psychosociaux (RPS). Une mauvaise gestion du temps est souvent la source de cette pression excessive, amplifiant le stress et la fatigue.

L’objectif de cet article est d’explorer comment une organisation efficace du travail permet de prévenir ces risques et d’améliorer la qualité de vie au travail.

Quels liens entre RPS et la gestion du temps ?

1-Définition et impact des RPS liés au temps

Les Risques Psychosociaux liés à la gestion du temps concernent toutes les situations où une organisation inadaptée du travail engendre une surcharge ou une sous-charge mentale. Un emploi du temps mal structuré peut provoquer un stress chronique, réduire l’efficacité et entraîner des problèmes de santé. À l’inverse, un travail trop fragmenté ou insuffisant peut générer de la frustration et un sentiment d’inutilité.

Selon le rapport Gollac, les principaux facteurs de RPS liés au temps de travail comprennent :

  • L’intensité et la charge de travail : Une accumulation excessive de tâches sans possibilité de récupération engendre de la fatigue cognitive et émotionnelle.
  • L’autonomie insuffisante : Un manque de contrôle sur l’organisation du temps de travail amplifie le stress et l’anxiété.
  • Les horaires de travail imprévisibles ou excessifs : Une absence de cadre temporel stable perturbe l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle.

Une gestion du temps inefficace peut donc devenir un vecteur de stress et d’épuisement, augmentant les tensions au sein des équipes.

Plutôt que d’adopter une approche délétère et uniquement corrective des risques psychosociaux en matière de gestion du temps, comme nous en avons l’habitude, nous préférons ici considérer ces facteurs comme des indicateurs stratégiques pour trouver des leviers efficaces de gestion du temps. Cette approche positive, possible en dehors d’une évaluation des risques, permet au management d’avoir des repères scientifiques des besoins des individus et des collectifs. L’attention portée à la charge de travail, à la clarté des objectifs, à l’autonomie, devient un levier pour une posture managériale équilibrée et efficace et un cercle vertueux pour transmettre une culture de prévention à l’ensemble des salariés. Aussi, cette approche intégrative permet de bâtir un environnement propice à l’engagement, à l’innovation et au bien-être durable des équipes.

C’est avec cette approche que nous souhaitons à présent aborder la question de la gestion du temps. Pour cela nous allons esquisser une représentation de la perception du temps et ses effets sur le travail. Ce détour nous permettra d’envisager une optimisation du temps, d’autant que chacun aura la conscience de nos représentations et des lois concernant le temps.

Il sera d’autant plus facile de considérer les préconisations de notre conclusion pour vivre enfin notre rapport au temps de manière apaisée, même au travail.

2.La perception du temps et ses effets sur le travail

Le temps est une notion subjective, influencée par la perception individuelle et le contexte de travail. Comme le soulignait Saint Augustin : « Si personne ne me demande ce qu’est le temps, je le sais ; mais si je veux l’expliquer à quelqu’un qui me le demande, je ne le sais plus ».

Dans le monde du travail, cette subjectivité entraîne des distorsions dans l’organisation. Paul Virilio parle de la tyrannie de l’instantanéité où la pression des délais réduit la capacité à structurer efficacement ses tâches. À l’inverse, plusieurs lois du temps expliquent pourquoi la gestion du temps peut devenir un défi :

  • La loi de Parkinson : « Le travail s’étale de façon à occuper tout le temps disponible. » Si une tâche doit être réalisée en une semaine, elle prendra une semaine, même si elle aurait pu être faite en trois jours. C’est pourquoi fixer des délais clairs et raisonnables est essentiel pour éviter la dispersion et améliorer l’efficacité.
  • La loi de Laborit : « Nous avons tendance à privilégier les tâches plaisantes et faciles avant les tâches complexes et importantes. » Cette procrastination naturelle peut nuire à la productivité. Pour la contrer, il est recommandé de traiter les tâches les plus exigeantes en priorité, selon la méthode du « manger le crapaud » de Brian Tracy.
  • La loi de Carlson : « Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie qu’un travail réalisé en plusieurs fois. » Les interruptions constantes (mails, réunions impromptues, notifications) fragmentent la concentration et augmentent le temps nécessaire pour accomplir une tâche. Regrouper les tâches similaires et limiter les interruptions améliore la gestion du temps.
  • La loi de Fraisse : « Plus une tâche est intéressante, plus le temps semble passer vite ; plus elle est ennuyeuse, plus il semble long. » Cela explique pourquoi certaines réunions paraissent interminables alors qu’une activité stimulante semble passer en un instant. Rendre les tâches plus engageantes et varier les activités peut limiter la fatigue mentale.

Avec l’essor du télétravail, le rapport au temps a été profondément transformé. Les salariés bénéficient de plus de flexibilité, mais cela peut aussi mener à des dérives comme l’hyperconnexion et l’extension des horaires de travail. Selon une étude de l’ANACT (2022), 65 % des télétravailleurs déclarent travailler au-delà de leurs horaires contractuels (Étude sur le télétravail et l’hyperconnexion : https://veille-travail.anact.fr/osiros/result/notice.php?queryosiros=id:100143&referer=permalien), ce qui renforce la nécessité de définir des limites claires. En appliquant ces lois du temps, les entreprises et les salariés peuvent mieux structurer leur travail, préserver leur équilibre et prévenir les risques psychosociaux.

3.Les facteurs de risques selon Gollac et leur lien avec la gestion du temps

Le rapport Gollac ( Source) identifie six grandes catégories de RPS, dont plusieurs sont étroitement liées à la gestion du temps. L’analyse de ces facteurs permet d’identifier des leviers concrets pour améliorer l’organisation du travail et prévenir la surcharge mentale.

Intensité et complexité du travail

 

Horaires de travail difficiles

 

Exigences émotionnelles

 

Faible autonomie au travail

 

Rapports sociaux au travail dégradés

Conflits de valeurs

Insécurité de l’emploi et du travail

Contraintes de rythmes de travail → Ajuster les cadences et impliquer les salariés dans l’organisation des plannings.

Durée hebdomadaire du travail → Éviter les heures supplémentaires systématiques.

Prévoir des temps de décompression et un soutien psychologique pour les métiers exposés à une forte charge émotionnelle.

 

Autonomie dans la tâche → Accorder plus de marges de manœuvre aux salariés, dans la gestion de leur emploi du temps.

 Soutien des collègues → Renforcer l’esprit d’équipe via des rencontres régulières.

S’assurer que les salariés disposent des moyens temporels nécessaires pour réaliser un travail de qualité.

 

Conduite du changement → Anticiper les transformations et prévoir un temps d’intégration du changement suffisant pour les individus et les collectifs.

Niveau de précision des objectifs → Clarifier les attentes et fournir des objectifs réalistes.

Travail en horaires atypiques → Organiser des rotations équilibrées.

Encourager un climat bienveillant et fournir des outils de gestion du stress.

Autonomie temporellePermettre une gestion flexible des horaires pour un équilibre en les exigences professionnel et les besoins individuels.

Soutien des supérieurs hiérarchiques → Instaurer des feedbacks réguliers et bienveillants.

 

 

Adéquation des objectifs avec les moyens → Assurer des ressources adaptées aux missions confiées.

Extension de la disponibilité → Respecter le droit à la déconnexion.

Maîtrise des émotions → Encourager un climat bienveillant et fournir des outils de gestion du stress.

Utilisation et développement des compétencesFavoriser la formation continue pour donner aux salariés les compétences nécessaires à une autonomie efficace.

 

Reconnaissance dans le travail → Valoriser les réussites individuelles et collectives.

 

 

 

Prévisibilité des horaires → Anticiper les changements de planning.

Adapter la charge cognitive aux capacités des salariés, en évitant la surcharge d’informations et en limitant les interruptions intempestives.

 

 

Désaccords professionnelsEncourager la résolution collaborative des conflits.

 

 

 

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Gérer les risques psychosociaux

Comment optimiser la gestion du temps pour prévenir les RPS ?

Une gestion efficace du temps est un levier majeur de prévention des risques psychosociaux (RPS). Elle permet de réduire la charge mentale, d’améliorer la clarté des objectifs et favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Pour y parvenir, plusieurs actions peuvent être mises en place :

1.Planification efficace et priorisation des tâches

Une bonne planification réduit le stress lié aux imprévus et favorise la productivité. Plusieurs techniques éprouvées peuvent être utilisées :

  • La méthode Eisenhower : Elle classe les tâches selon leur degré d’urgence et d’importance :
    • Urgent et important → À faire immédiatement.
    • Important mais non urgent → À planifier.
    • Urgent mais peu important → À déléguer.
    • Ni urgent ni important → À éliminer.
  • La méthode ABC : Classement des tâches en trois catégories pour structurer la journée :
    • A : Prioritaire (exemple : finaliser un dossier urgent).
    • B : Important mais moins pressé (exemple : rédiger un rapport stratégique).
    • C : Secondaire (exemple : organiser une sortie d’équipe).
  • Le time-blocking : Bloquer des plages horaires dédiées aux différentes catégories de tâches afin de limiter les interruptions et rester focalisé.
  • L’intégration des imprévus : Il est recommandé de prévoir 20 % du temps quotidien pour gérer les urgences afin d’éviter une surcharge imprévue.

2.Techniques de communication et gestion des interruptions

Les interruptions fréquentes augmentent la charge mentale et réduisent la concentration. Pour limiter leur impact, plusieurs stratégies peuvent être adoptées :

  • Encadrer l’usage des emails et des notifications :
    • Désactiver les notifications instantanées.
    • Définir des créneaux spécifiques pour consulter ses emails (ex. : trois fois par jour).
  • Encourager les réunions courtes et efficaces :
    • Fixer un ordre du jour clair.
    • Respecter un temps limité (idéalement 30 à 45 minutes).
    • Éviter les réunions inutiles et privilégier les alternatives asynchrones (emails, documents partagés).
  • Favoriser des temps de travail en concentration profonde (deep work) :
    • Instaurer des plages horaires sans interruption.
    • Communiquer sur l’importance du respect des périodes de concentration des collègues

3.Utilisation des outils numériques pour mieux organiser le travail

L’adoption d’outils de gestion du temps et de collaboration peut considérablement améliorer l’efficacité et réduire les frictions organisationnelles :

  • Agenda numérique partagé pour une meilleure visibilité des disponibilités.
  • Logiciels de gestion de projet (Trello, Asana, Monday.com) pour coordonner les tâches et assurer un suivi structuré.
  • Outils de gestion des tâches (To do list) pour hiérarchiser et suivre les priorités.

4.Encourager l’autonomie et la responsabilisation des équipes

Un cadre trop rigide en matière d’organisation du temps peut générer du stress. À l’inverse, accorder plus d’autonomie permet aux salariés d’optimiser leur propre gestion du temps en fonction de leur rythme de travail et de leurs capacités. Cela passe par :

  • Une flexibilité horaire contrôlée : Encourager l’adaptation des horaires selon les besoins individuels tout en assurant la cohésion de l’équipe.
  • Des objectifs basés sur les résultats plutôt que sur la présence stricte au poste de travail.

Une culture de la confiance où l’autonomie est valorisée et encouragée.

Quelles sont les stratégies organisationnelles pour une meilleure santé des salariés et de l’entreprise ?

Pour que la gestion du temps soit réellement efficace, elle doit s’intégrer dans une approche organisationnelle globale. Cela implique une transformation des pratiques managériales et une formation adaptée à tous les collaborateurs.

1.Former les managers à une gestion du temps efficace

Les managers jouent un rôle clé dans l’organisation du temps de travail et la prévention des RPS. Une mauvaise gestion managériale peut entraîner une surcharge pour les équipes (demandes de dernière minute, manque de clarté sur les priorités, surcharge de réunions, etc..). Pour améliorer leur efficacité, il est essentiel de les former à :

  • L’organisation et la planification : Savoir prioriser et déléguer efficacement.
  • La communication efficace : Donner des consignes claires et éviter la surcharge d’informations inutiles.
  • La gestion des réunions : Réduire le nombre et la durée des réunions pour maximiser la productivité.
  • La régulation de la charge de travail : Être attentif aux signes de surcharge et adapter les objectifs en conséquence.
  • L’exemplarité : Adopter de bonnes pratiques en matière de gestion du temps (respect des horaires, droit à la déconnexion, autonomie des équipes).

2.Sensibiliser et former les collaborateurs

Tous les salariés doivent être formés à une gestion efficace de leur temps de travail. Cela peut se faire à travers :

  • Des ateliers pratiques sur la gestion du temps (ex : formation aux méthodes Eisenhower, Pomodoro, Time-blocking).
  • Des sessions sur la gestion du stress et la prévention de l’hyperconnexion.
  • Des outils et ressources accessibles (guides, vidéos, applications de gestion du temps).

3.Promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle

Un bon équilibre de vie est essentiel pour prévenir l’épuisement professionnel. Cela peut passer par plusieurs actions :

  • Encourager la déconnexion en dehors des heures de travail (ex : désactivation des mails professionnels après une certaine heure).
  • Limiter les heures supplémentaires systématiques et sensibiliser les managers à ne pas encourager une culture du présentéisme.
  • Favoriser les horaires flexibles et le télétravail encadré pour permettre une meilleure adaptation aux contraintes personnelles.

4.Instaurer une culture d’entreprise basée sur l’efficacité plutôt que la quantité de travail

Plutôt que de valoriser le volume de travail réalisé, il est plus pertinent de mettre en avant :

  • La qualité et l’impact du travail accompli.
  • Les résultats obtenus plutôt que le nombre d’heures travaillées.
  • Une reconnaissance des efforts individuels et collectifs pour renforcer l’engagement des équipes.

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Gestion du temps et organisation

Recommandations

Optimiser la gestion du temps est une démarche essentielle pour réduire les RPS et améliorer la qualité de vie au travail. Une approche combinant des outils adaptés, une autonomie maîtrisée, une formation des managers et des collaborateurs, ainsi qu’une culture organisationnelle tournée vers l’efficacité, permet d’établir un cadre de travail plus serein et productif.

En intégrant ces bonnes pratiques, les entreprises peuvent à la fois renforcer le bien-être des salariés et améliorer leur performance globale.

La gestion du temps est un levier puissant pour prévenir les Risques Psychosociaux. En structurant l’organisation du travail, en optimisant les méthodes de communication et en mettant en place une démarche QVCT, les entreprises peuvent améliorer significativement le bien-être et la performance de leurs équipes.

Ainsi, une entreprise qui prend en compte ces dimensions s’assure d’un environnement de travail sain et d’une performance durable.

Valérie LAGARDE

Propuls'

Psychologue sociale du travail et consultante en management des risques, Valérie intervient depuis plus de 15 ans à la croisée des enjeux organisationnels et humains. Son parcours en direction d’entreprise lui a permis de développer une expertise fine des systèmes de management, qu’elle met aujourd’hui au service d’une prévention active des risques psychosociaux (RPS) et d’une amélioration continue des conditions de travail. Valérie explore un levier souvent sous-estimé : le rapport au temps. Entre surcharge, urgence chronique et flou dans les priorités, une mauvaise gestion du temps peut devenir un facteur de risque majeur pour la santé psychologique des collaborateurs. Depuis plus de dix ans, elle pilote des démarches d’évaluation des RPS et de Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT), en s’appuyant sur une équipe pluridisciplinaire. Son approche privilégie l’implication des acteurs de terrain, la structuration des pratiques managériales et la création de conditions de travail plus soutenables et équilibrées.

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