1-Définition et impact des RPS liés au temps
Les Risques Psychosociaux liés à la gestion du temps concernent toutes les situations où une organisation inadaptée du travail engendre une surcharge ou une sous-charge mentale. Un emploi du temps mal structuré peut provoquer un stress chronique, réduire l’efficacité et entraîner des problèmes de santé. À l’inverse, un travail trop fragmenté ou insuffisant peut générer de la frustration et un sentiment d’inutilité.
Selon le rapport Gollac, les principaux facteurs de RPS liés au temps de travail comprennent :
- L’intensité et la charge de travail : Une accumulation excessive de tâches sans possibilité de récupération engendre de la fatigue cognitive et émotionnelle.
- L’autonomie insuffisante : Un manque de contrôle sur l’organisation du temps de travail amplifie le stress et l’anxiété.
- Les horaires de travail imprévisibles ou excessifs : Une absence de cadre temporel stable perturbe l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle.
Une gestion du temps inefficace peut donc devenir un vecteur de stress et d’épuisement, augmentant les tensions au sein des équipes.
Plutôt que d’adopter une approche délétère et uniquement corrective des risques psychosociaux en matière de gestion du temps, comme nous en avons l’habitude, nous préférons ici considérer ces facteurs comme des indicateurs stratégiques pour trouver des leviers efficaces de gestion du temps. Cette approche positive, possible en dehors d’une évaluation des risques, permet au management d’avoir des repères scientifiques des besoins des individus et des collectifs. L’attention portée à la charge de travail, à la clarté des objectifs, à l’autonomie, devient un levier pour une posture managériale équilibrée et efficace et un cercle vertueux pour transmettre une culture de prévention à l’ensemble des salariés. Aussi, cette approche intégrative permet de bâtir un environnement propice à l’engagement, à l’innovation et au bien-être durable des équipes.
C’est avec cette approche que nous souhaitons à présent aborder la question de la gestion du temps. Pour cela nous allons esquisser une représentation de la perception du temps et ses effets sur le travail. Ce détour nous permettra d’envisager une optimisation du temps, d’autant que chacun aura la conscience de nos représentations et des lois concernant le temps.
Il sera d’autant plus facile de considérer les préconisations de notre conclusion pour vivre enfin notre rapport au temps de manière apaisée, même au travail.
2.La perception du temps et ses effets sur le travail
Le temps est une notion subjective, influencée par la perception individuelle et le contexte de travail. Comme le soulignait Saint Augustin : « Si personne ne me demande ce qu’est le temps, je le sais ; mais si je veux l’expliquer à quelqu’un qui me le demande, je ne le sais plus ».
Dans le monde du travail, cette subjectivité entraîne des distorsions dans l’organisation. Paul Virilio parle de la tyrannie de l’instantanéité où la pression des délais réduit la capacité à structurer efficacement ses tâches. À l’inverse, plusieurs lois du temps expliquent pourquoi la gestion du temps peut devenir un défi :
- La loi de Parkinson : « Le travail s’étale de façon à occuper tout le temps disponible. » Si une tâche doit être réalisée en une semaine, elle prendra une semaine, même si elle aurait pu être faite en trois jours. C’est pourquoi fixer des délais clairs et raisonnables est essentiel pour éviter la dispersion et améliorer l’efficacité.
- La loi de Laborit : « Nous avons tendance à privilégier les tâches plaisantes et faciles avant les tâches complexes et importantes. » Cette procrastination naturelle peut nuire à la productivité. Pour la contrer, il est recommandé de traiter les tâches les plus exigeantes en priorité, selon la méthode du « manger le crapaud » de Brian Tracy.
- La loi de Carlson : « Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie qu’un travail réalisé en plusieurs fois. » Les interruptions constantes (mails, réunions impromptues, notifications) fragmentent la concentration et augmentent le temps nécessaire pour accomplir une tâche. Regrouper les tâches similaires et limiter les interruptions améliore la gestion du temps.
- La loi de Fraisse : « Plus une tâche est intéressante, plus le temps semble passer vite ; plus elle est ennuyeuse, plus il semble long. » Cela explique pourquoi certaines réunions paraissent interminables alors qu’une activité stimulante semble passer en un instant. Rendre les tâches plus engageantes et varier les activités peut limiter la fatigue mentale.
Avec l’essor du télétravail, le rapport au temps a été profondément transformé. Les salariés bénéficient de plus de flexibilité, mais cela peut aussi mener à des dérives comme l’hyperconnexion et l’extension des horaires de travail. Selon une étude de l’ANACT (2022), 65 % des télétravailleurs déclarent travailler au-delà de leurs horaires contractuels (Étude sur le télétravail et l’hyperconnexion : https://veille-travail.anact.fr/osiros/result/notice.php?queryosiros=id:100143&referer=permalien), ce qui renforce la nécessité de définir des limites claires. En appliquant ces lois du temps, les entreprises et les salariés peuvent mieux structurer leur travail, préserver leur équilibre et prévenir les risques psychosociaux.
3.Les facteurs de risques selon Gollac et leur lien avec la gestion du temps
Le rapport Gollac ( Source) identifie six grandes catégories de RPS, dont plusieurs sont étroitement liées à la gestion du temps. L’analyse de ces facteurs permet d’identifier des leviers concrets pour améliorer l’organisation du travail et prévenir la surcharge mentale.
Intensité et complexité du travail
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Horaires de travail difficiles
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Exigences émotionnelles
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Faible autonomie au travail
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Rapports sociaux au travail dégradés
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Conflits de valeurs
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Insécurité de l’emploi et du travail
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Contraintes de rythmes de travail → Ajuster les cadences et impliquer les salariés dans l’organisation des plannings.
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Durée hebdomadaire du travail → Éviter les heures supplémentaires systématiques.
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Prévoir des temps de décompression et un soutien psychologique pour les métiers exposés à une forte charge émotionnelle.
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Autonomie dans la tâche → Accorder plus de marges de manœuvre aux salariés, dans la gestion de leur emploi du temps.
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Soutien des collègues → Renforcer l’esprit d’équipe via des rencontres régulières.
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S’assurer que les salariés disposent des moyens temporels nécessaires pour réaliser un travail de qualité.
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Conduite du changement → Anticiper les transformations et prévoir un temps d’intégration du changement suffisant pour les individus et les collectifs.
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Niveau de précision des objectifs → Clarifier les attentes et fournir des objectifs réalistes.
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Travail en horaires atypiques → Organiser des rotations équilibrées.
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Encourager un climat bienveillant et fournir des outils de gestion du stress.
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Autonomie temporelle → Permettre une gestion flexible des horaires pour un équilibre en les exigences professionnel et les besoins individuels.
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Soutien des supérieurs hiérarchiques → Instaurer des feedbacks réguliers et bienveillants.
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Adéquation des objectifs avec les moyens → Assurer des ressources adaptées aux missions confiées.
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Extension de la disponibilité → Respecter le droit à la déconnexion.
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Maîtrise des émotions → Encourager un climat bienveillant et fournir des outils de gestion du stress.
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Utilisation et développement des compétences → Favoriser la formation continue pour donner aux salariés les compétences nécessaires à une autonomie efficace.
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Reconnaissance dans le travail → Valoriser les réussites individuelles et collectives.
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Prévisibilité des horaires → Anticiper les changements de planning.
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Adapter la charge cognitive aux capacités des salariés, en évitant la surcharge d’informations et en limitant les interruptions intempestives.
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Désaccords professionnels → Encourager la résolution collaborative des conflits.
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